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Portrait
Béatrice Marlier, la star inconnue
PORTRAIT - Si vous avez pris le métro, le train, la voiture ou même l’avion pour vous rendre au travail ce matin, vous avez très probablement entendu sans le savoir la voix de Béatrice Marlier. Depuis 26 ans maintenant, Béatrice est speaker voix-off indépendante belge et elle revient dans cet article sur ce métier si particulier, celui de ceux que l’on entend partout mais que l’on ne voit jamais.
Comme ses amis en témoignent avec amusement, «Béa, une fois que tu la connais, tu peux pas fuir, tu l’entends partout». En effet, on peut difficilement passer une journée sans elle. Quand vous prenez le métro bruxellois, quand vous allumez l’une des radios de la RTBF, quand vous faîtes vos courses au Delhaize ou à Auchan, quand vous tombez sur un répondeur Mobistar ou quand vous regardez le film du soir sur la Une, c’est en sa compagnie. Si aujourd’hui elle est une référence dans le milieu, Béatrice n’est pas tombée dedans quand elle était petite mais par hasard un vendredi soir où son compagnon ingénieur son s’est retrouvé sans nouvelles de l’actrice qui devait jouer son spot radio. Elle raconte : «C’était à l’époque où il n’y avait pas les GSM. La personne qui devait venir faire une pub n’est jamais venue et comme il devait absolument la faire passer sur antenne le lundi matin, il m’a dit «écoute tu vas le faire à sa place, je vais t’expliquer comment faire».» Le résultat est très bon, son petit ami l’encourage à continuer, elle s’entraîne en suivant les publicités à la télé de la voix française Julie Bataille et décroche son premier contrat en septembre 89. Suivi de tant d’autres, comme on le sait.
Trouver la couleur, le rythme et l’intention qui vont mettre en relief le texte d’un client n’est pas un sport aisé. Les nuances sont nombreuses et il faut rentrer dans les délais impartis, souvent trop courts ou trop longs.
Être sobre sans être larmoyant lorsqu’il s’agit d’annoncer l’actualité, être rapide tout en restant compréhensible lorsque les secondes sont comptées ou lent sans être soporifique lorsqu’elles ne le sont pas. Chez Béatrice Marlier, cette notion de justesse est presque naturelle : «Forcément si tu travailles pour des grandes marques tu vas pas faire de la promo. À contrario, si tu travailles pour les enfants avec un produit d’appel, tu vas être dynamique et souriant.» Parfois, le défi peut être purement technique. Faut-il franciser le nom des monuments historiques étrangers ? Comment s’approprier les appellations médicales ? L’acétyle salicylique ne se passe pas comme du sel de table, par exemple. «Tu dois avoir l’air de le dire comme si tu connaissais ça parfaitement [...] mais tu l’as lu 4 fois avant en te trompant.»
Parmi les contrats qu’a réalisés Béatrice Marlier au cours de sa carrière, le plus remarqué du grand public est certainement la voix-off de la SNCB. Elle raconte les sessions longues et laborieuses afin d’enregistrer les multiples morceaux de phrases. Les mêmes qui sont montés ensuite en live par des techniciens et que nous entendons tous les jours. «Il a fallu enregistrer tous les noms de gare 3 fois. [...] On prenait 3 gares qu’on mettait à des endroits différents dans la phrase [...] pour pouvoir être dites de 3 façons différentes, c’est-à-dire : montante, neutre et descendante.»
Néanmoins, voix-off est également un métier rempli de fous rires, de jeu et de l’ambiance unique et chaleureuse des studios d’enregistrement. Un lapsus au mauvais moment peut parfois prendre des tournures inattendues dans la profession mais ça c’est une autre histoire... Pour l’heure, Béatrice n’est pas prête d’arrêter d’être, comme on la surnomme récemment, The Voice of Belgium.
Marin Lambert